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Ellen et ses amants – Fabrice – Partie 1

« Bar d’hôtel. Ellen attend. Avec toujours cette légère et familière appréhension. Elle ne l’avouera jamais mais une nouvelle rencontre lui demande toujours beaucoup d’énergie. Enfin… un homme prenant la peine d’écrire une longue mélopée lyrique, ce ne peut pas être un mauvais bougre. Mais elle a toujours été sensible aux phrases bien tournées. Quelle fille « efficace » prendrait la peine de lire un si long message exalté? Et pire, prendrait la peine d’y répondre? A l’ère des sms et de la messagerie instantanée, les échanges à Choderlos de Laclos n’y ont plus leur place.

 

Elle regarde son téléphone pour la troisième fois, joue à des jeux colorés idiots qui l’exaspèrent vite… trop nerveuse pour ouvrir son livre (elle voulait se donner un genre, tant pis…). Ce sera quelques vidéos insignifiantes et stupides glanées sur le net qui lui feront passer le temps. Elle regarde autour d’elle et elle n’est pas à l’aise… Du bruit. Il est en retard. Faux plan? Et s’il disait non en la voyant? Et s’il disait oui ?

 

Ses pensées l’absorbent et à tel point qu’elle ne le remarque pas. Et pourtant il était là depuis une bonne minute. Il a fallu qu’il s’approche et que son ombre lui fasse lever les yeux. Pas exactement ce qu’elle avait imaginé. Mais qu’avait-elle imaginé d’ailleurs? Ellen a toujours eu l’imagination galopante, de l’idéal vers le pire.

 

Fabrice s’installe, pas très à l’aise non plus manifestement … Ellen sourit pour se donner bonne contenance, mais elle ne trompait personne et surtout pas elle-même. Il avait dû l’imaginer autrement lui aussi : plus confiante, plus jolie peut être. Comment savoir? Il commande un café pour lui et une eau minérale pour elle. Il n’a pas « fuit » tout de suite. Bon début. Un répit de quelques minutes donc.

 

Il pose quelques questions futiles pour briser la glace. Elle y répond succinctement et sans réelle attention. Il lui faut du temps pour s’habituer à une personne étrangère. Elle n’est pas timide non… mais son introspection naturelle prend toujours le dessus. Qu’importe les cours de sport qu’elle donne, même si cela l’a ouverte à autrui, il y a toujours ces quelques minutes de gêne et d’angoisse…

 

Après les classiques : « ça va / il fait beau aujourd’hui / ça a été ta journée / tu travailles dans quoi » la conversation tourne (on ne sait comment ni par quelle transition) sur la précédente rencontre de Fabrice avec une « courtisane » (un mot qui la fait tiquer : quelle expression dévoyée et ridicule… cette préciosité surannée l’a toujours agacée, mais ce n’est pas la faute de Fabrice. Plutôt celles des autres filles… avec leurs éthos stupides…). Le sujet l’ennuie profondément : tout ce qui peut induire à une comparaison l’énerve. Mais c’est le jeu. Il lui raconte qu’il a été très déçu par sa précédente rencontre, et qu’il est, là maintenant, agréablement surpris. Ellen soupira intérieurement de soulagement.

 

Les boissons arrivent et les langues se délient. Les minutes s’écoulent, deviennent une heure et une tendre complicité s’installe. Un sujet en amenant un autre, puis un autre, il n’y a pas d’ennui apparent, au contraire. Cela dit, le temps file et Ellen se demande quand placer le fameux « on en discute plus confortablement dans ta chambre ?»

 

Fabrice vient à son secours et lui propose de monter. Un soulagement pour Ellen. Une gaffe possible évitée.

 

Un hôtel qui a eu son heure de gloire… une réceptionniste qui ne peut s’empêcher d’une petite pique… Rien ne semble aller à la perfection.

 

Un sourire gêné échangé dans l’ascenseur, une remarque acerbe sur cette **** de réceptionniste (pur réflexe). Elle se mord la lèvre aussitôt. Fabrice sourit. Un sourire doux, simple, un peu timide mais juste assez. Un sourire qui encourage à l’abandon.

 

Ils entrent. Petit coup d’œil sur la montre. Il reste une heure et demi avant de rendre la chambre. Jolie vue. Fenêtre restée ouverte. Coup de vent. Frisson. Déclic : il n’en fallait pas plus pour rechercher la chaleur de l’autre.

 

Ils se rapprochent puis… »

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